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Montreal, Quebec
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Rassembler plutôt qu’exclure

September 11, 2013

Déclaration des Indépendantistes pour une laïcité inclusive sur la Charte des « valeurs québécoises »

Nous sommes un groupe de femmes et d’hommes oeuvrant dans plusieurs sphères de la vie publique et qui militent pour l’indépendance du Québec. Plusieurs parmi nous ont eu des parcours actifs au sein du Parti Québécois, entre autres comme cadres du parti, attaché(e)s politiques ou candidat(e)s. Nous exerçons diverses activités : par exemple, juristes, politicologues, sociologues, philosophes, enseignant(e)s et militantes féministes. Nous agissons sous le nom d’Indépendantistes pour une laïcité inclusive.

Selon nous, le gouvernement du Parti Québécois fait fausse route en proposant une charte des valeurs prétendument québécoises prévoyant l’interdiction du port de signes religieux par l’ensemble des employés de l’État, qu’ils appartiennent à la fonction publique québécoise ou municipale, au réseau scolaire, au réseau de la santé ou à celui des services de garde. Notre opposition porte autant sur le fond de la question que sur la stratégie d’un parti politique souverainiste.

Nous sommes pour la laïcité, et inquiets d’une instrumentalisation qui la dépouille de son vrai sens et aura pour résultat de stigmatiser et d’exclure certaines communautés et surtout certaines femmes. Nous comprenons la préoccupation identitaire québécoise, tout en nous inquiétant du repli qu’elle alimente et de son exploitation électorale à courte vue.

Une erreur de fond.

Si l’objectif de l’État est de baliser les accommodements raisonnables, une charte des « valeurs » s’avère-t-elle le meilleur outil ? Selon nous, certaines mesures législatives ou un décret ministériel faisant le suivi des recommandations du rapport Bouchard-Taylor auraient été utiles, sans nous replonger dans un psychodrame propre à faire diversion. Pourquoi cette enflure ? Gardons cette opération simple et regardons les divers cadres déjà proposés.

Le premier devoir d’un État vraiment laïque est de respecter la liberté de conscience et de religion. La question est de savoir concilier ce droit fondamental avec la nécessité pour l’État d’établir des paramètres de comportement pour ses employés dans leurs fonctions. La restriction de droits aussi fondamentaux que la liberté de conscience et de religion doit être abordée avec prudence.

Pour nous, il est normal que l’État demande à tous ses employés, dans l’exercice de leurs fonctions, de s’abstenir de faire du prosélytisme, soit chercher à convertir d’autres personnes à leur religion où leurs croyances. Tout comme il est normal que les demandes d’accommodements soient balisées raisonnablement. Par contre, peut-on considérer comme du prosélytisme l’affichage passif de son appartenance à une communauté de foi ? La Déclaration universelle des Droits de l’Homme des Nations-Unies, à son article 18 affirme pourtant que :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé […].

L’école est un lieu d’apprentissage du pluralisme de notre société et de l’humanité en général. En quoi la présence de quelques enseignantes ou enseignants portant un signe religieux distinctif serait-elle une menace dans une société où l‘État protège la liberté de conscience et de religion de tous ? Congédier pour le port d’un foulard ou de tout autre signe religieux donnera quelle image du Québec à notre jeunesse et au monde?

En ce qui a trait aux hôpitaux, a-t-on documenté un seul cas d’une personne qui s’est convertie au judaïsme ou à l’islam parce que son médecin portait une kippa ou un foulard ? Est-ce que les religions s’attrapent comme la grippe ou la variole ? Pourquoi l’État infantiliserait-il les patients des hôpitaux et des services sociaux?
Enfin, un État qui favorise l’égalité homme-femme n’a que faire d’une politique qui aurait pour effet systémique de rendre plus difficile l’accès à l’emploi aux femmes de certaines communautés minoritaires. Or, tel serait l’effet de l’exclusion pour port du foulard islamique de femmes du réseau scolaire, hospitalier ou des centres de la petite enfance. Cette disposition pourrait être contestée en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Penser que toutes ces femmes abandonneront leur foulard relève de la pensée magique! L’émancipation des femmes passe par l’indépendance économique et l’éducation, pas par la renonciation au foulard. La lutte contre le port du foulard, soi-disant au nom de la « libération des femmes », relève d’une dérive déplorable; son effet réel nous éloignerait encore plus de l’objectif d‘égalité entre femmes et hommes. Par ailleurs, depuis plus de vingt ans, les fonctions publiques municipales et la fonction publique québécoise font d’innombrables tentatives pour être représentatives de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. On reste très loin du succès; le processus est long et difficile. Les Maghrébins figurent parmi les immigrants les plus scolarisés au Québec, va-t-on en plus écarter un grand nombre de femmes de ce bassin de recrutement ?

Pour nous, certains postes d’autorité pourraient faire l’objet de restrictions justifiées. Il s’agit des postes qui, au nom de l’État, ont pour fonction notamment de s’assurer que les droits à la liberté de conscience et de religion puissent être exercés par tous et toutes sans exception. De postes qui impliquent souvent le recours à la force ou à la contrainte. Ils sont occupés par des personnes qui ont notamment pour fonction de
représenter à un très haut niveau la neutralité de l’État ; juges, procureurs, gardiens de prisons et policiers qui, pour prévenir tout soupçon de partialité, ne devraient pas porter de signes religieux. Leur cas est bien différent de celui des fonctionnaires, des médecins, des infirmières, des enseignantes et enseignants, des techniciennes de garderies, etc. À moins qu’on ne souhaite ériger en « valeur québécoise » la méfiance généralisée.

Une grave erreur stratégique.

Un gouvernement indépendantiste devrait éviter de diviser inutilement la population mais aussi les indépendantistes eux-mêmes par des politiques dont le caractère discriminatoire deviendra de plus en plus évident à l’usage.

Un gouvernement indépendantiste devrait éviter de mettre en place des politiques qui feront en sorte que systématiquement des minorités qui se sentiront exclues et opprimées trouveront dans les lois du parlement fédéral une protection qui justifiera dans leur esprit la croyance que le Canada est le dernier rempart contre certains abus.
Il ne suffit pas de gagner la prochaine élection. Pour faire l’indépendance du Québec, un gouvernement souverainiste doit être le plus rassembleur possible; il doit donc embrasser large. Cela commence, selon nous, par des politiques acceptables pour l’ensemble des indépendantistes eux-mêmes.

Les Indépendantistes pour une laïcité inclusive (IPLI).
Ont signé :
Jean Dorion, président et co-porte-parole des IPLI, sociologue (précédemment : député du Bloc Québécois, président de la SSJB de Montréal, délégué général du Québec à Tokyo, directeur de cabinet de Gérald Godin)
Rosa Pires, vice-présidente et co-porte-parole des IPLI, militante féministe et candidate à la maîtrise en sciences politiques, UQAM, (précédemment attachée
politique et chargée de projets, Québécois issus de l’immigration, Parti Québécois) ;
Maria Mourani députée d’Ahuntsic du Bloc Québécois, sociologue et criminologue, membre fondatrice du Mouvement Québec Français;
Yves Beauchemin, écrivain et militant;
Amelia Delli Quadri, enseignante retraitée de la CSDM, précédemment membre du Comité italo-québécois pour la souveraineté
Jacques Désautels, cadre à la retraite au Gouvernement du Québec, directeur du cabinet du Whip-en-chef du premier gouvernement de René Lévesque;
Jocelyn Desjardins, ex-président et fondateur du Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ)
Élaine Deslauriers, traductrice, militante indépendantiste;
Érich Laforest, enseignant en histoire, École secondaire Pierre-Laporte, CSMB, militant indépendantiste
France Langlais, militante indépendantiste, retraitée de la fonction publique municipale (coopératives et logements à loyers modiques);
François Leblanc, consultant affaires publiques (précédemment directeur de cabinet du Chef du Bloc Québécois, chef de cabinet adjoint du Premier ministre du Québec, collaborateur de Jacques Parizeau et Bernard Landry)
Anne Legaré, professeur associée de science politique, ancienne déléguée du Québec aux États-Unis
Patrick Marais, citoyen, (précédemment conseiller politique au Cabinet du Chef du Bloc Québécois, responsable des relations avec les membres des groupes ethnoculturels, des dossiers de Montréal et de la Commission de la citoyenneté du Bloc Québécois);
Siegfried L. Mathelet, Ph. D., Docteur en philosophie, B.A. Science Politique;
Rim Mohsen (ancienne membre de l’exécutif des Jeunes du PQ);
Robin Philpot, éditeur, auteur, candidat du Parti Québécois en 2007 dans St-Henri-Ste-Anne;
Benoît Riopel, ancien chargé de projets, relations internationales et environnement, au Parti Québecois ;
Louis Rousseau, professeur associé, dép. de sciences des religions, UQAM;
Michel Seymour, philosophe, ex-président des Intellectuels pour la souveraineté;
Sylvie Vartian, enseignante, CÉGEP Gérald Godin.
Paolo Zambito, militant indépendantiste, ex-attaché politique d’un député péquiste, membre fondateur d’Option nationale.