25 ans de reconnaissance : les couples de même sexe et la route vers l’égalité | Unpublished
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Source Feed: Walrus
Author: Alana Hamilton
Publication Date: December 1, 2025 - 11:24

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25 ans de reconnaissance : les couples de même sexe et la route vers l’égalité

December 1, 2025

En 2000, le Canada adoptait une loi historique qui reconnaissait enfin les couples de même sexe dans les textes fédéraux, un changement à la fois discret et profond, qui a transformé la façon dont les relations queer étaient vues et protégées. Dans cet épisode, on rencontre l’autrice et artiste Steen Starr, dont l’art et le militantisme ont marqué cette période, ainsi que l’ancienne députée Libby Davies, qui était au Parlement lors de l’adoption de la loi. Ensemble, elles reviennent sur ce tournant majeur et sur les libertés qui en ont découlé.

Listen to the episode:

Angela Misri 0:00 En 2000, la loi canadienne a officiellement reconnu une réalité que beaucoup de gens vivaient depuis des années : des couples de même sexe engagés dans des relations à long terme. Le Parlement a adopté la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations modifiant 68 lois fédérales afin d’étendre les protections et les responsabilités aux conjoints de fait, incluant les couples de même sexe pour la première fois.

Angela Misri 0:30 Bienvenue dans Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui explore les étapes marquantes de l’histoire de notre pays. Je m’appelle Angela Misri.

Angela Misri 0:37 La Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations n’était pas seulement un changement technique. Elle a eu des répercussions sur la vie quotidienne, des pensions et des visites à l’hôpital jusqu’aux impôts et aux prestations familiales. Elle a influencé les finances des familles et la manière dont les liens de parenté étaient reconnus. Avant d’entrer dans les débats juridiques et politiques qui ont rendu cette loi possible, écoutons quelqu’un dont l’humour, l’art et le regard offrent une fenêtre sur la façon dont tout cela s’est concrétisé au sein de sa communauté.

Steen Starr 1:11 Je m’appelle Steen Starr. Je vis à Toronto. Je suis une lesbienne assumée. Je le suis depuis pas mal d’années maintenant. Je suis aussi parent. Je suis autrice, réalisatrice, femme de théâtre, propriétaire immobilière et consultante indépendante en collecte de fonds.

Angela Misri 1:31 Dans les années 1990 et 2000, Steen parcourait le Canada et les États-Unis avec un spectacle intitulé…

Steen Starr 1:37 Dr. Constance Cumming Wants To Help You Get Laid . C’était un spectacle humoristique, mettant en scène, comme je la décrivais, la lesbienne la plus excitante du monde.

Angela Misri 1:46 Dr Constance Cumming a commencé comme un personnage que Steen interprétait pour s’amuser lors de soirées et elle a reçu un tel accueil qu’elle a fini par en faire un numéro plus officiel.

Steen Starr 1:56 Dr Constance est très, très, très sûre d’elle. Elle donne des conseils extrêmement mauvais, complètement à côté de la plaque, sur comment avoir des relations sexuelles, comment trouver des partenaires, où faire l’amour, et elle est très flamboyante. Oui, elle est plutôt drôle. En fait, elle est retournée dans le placard depuis plusieurs années.

Angela Misri 2:19 Steen a en fait ressorti Dr Constance du placard, juste pour cet épisode.

Steen Starr 2:26 Eh bien, eh bien, je ne sais pas. Ça fait des années. Voyons voir… Une bonne, la seule, chose, c’est que beaucoup d’entre vous penseront que le sexe lesbien, comme l’humour lesbien, ça n’existe pas. Mais je vous assure que faire l’amour est l’un des principaux avantages à être lesbienne, juste après apprendre à faire de l’agriculture biologique, quelque chose comme ça…

Angela Misri 2:52 Écrire et se produire sur scène sont devenus pour Steen une façon de trouver sa voix, de partager son point de vue et d’interagir avec le monde à sa manière.

Steen Starr 3:00 Je lisais beaucoup Agatha Christie quand j’étais jeune, donc j’ai commencé à écrire un roman policier à énigme très tôt. Quand je me suis lancée, j’ai clairement pensé qu’il fallait que je l’écrive du point de vue d’un homme, parce que c’est comme ça qu’on écrit les choses. C’est comme ça qu’on raconte une histoire. C’est peut-être pour ça que je ne l’ai jamais terminé, pour être honnête. J’ai vraiment, vraiment commencé à écrire après mon coming out. C’est là que j’ai eu l’impression d’avoir une voix. Que j’avais quelque chose à dire. Une identité, je suppose, et une position politique liée à ça.

Angela Misri 3:27 Dans les années qui ont précédé la Loi sur la modernisation de certains avantages et obligations, Steen était aussi chroniqueuse pour Xtra, une publication consacrée aux actualités et à la culture LGBTQ2S+.

Steen Starr 3:37 J’écrivais une chronique dans Xtra sur le fait d’être une mère lesbienne, et j’utilisais souvent cet espace pour prendre la parole. Donc parfois, des choses m’arrivaient, liées au fait d’être parent ou simplement au fait d’être queer , et il m’arrivait d’essuyer des réactions négatives, alors j’en parlais dans ma chronique. J’étais une lesbienne assez combative et assumée, avec une vision plutôt positive de la sexualité dans le monde. À l’époque, il y avait les saunas gais pour femmes. J’étais allée à la plupart d’entre eux, donc c’était une communauté et un cercle d’amies très actifs pour moi.

Angela Misri 4:09 Les saunas trouvent leurs racines dans la Grèce et la Rome antiques, mais ils sont devenus un élément incontournable de l’histoire queer canadienne autour des années 1970. Dans des villes comme Toronto et Montréal, les saunas accueillaient des fêtes sexuelles sans tabous où les personnes queer pouvaient exister, faire la fête et s’aimer ouvertement, sans crainte de jugement ni de violence. En 1981, la police a commencé à faire des descentes dans ces lieux. Elle a utilisé d’anciennes lois sur les «maisons de débauche » pour cibler les espaces queer, envahir leurs événements et harceler, violenter, voire parfois arrêter leurs invitées. En 2000, un événement pour femmes queer et trans au sauna Pleasure Palace de Toronto a été perquisitionné, traumatisant les participantes et déclenchant un recours collectif qui a fini par mener à une réforme policière.

Steen Starr 4:53 C’est tombé que c’était la seule soirée à laquelle je n’étais pas, parce que j’étais à San Francisco pour jouer mon spectacle de Dr Constance. Voilà. Tu vois, l’homophobie était littéralement intégrée à nos structures civiques, elle alimentait cette volonté d’entrer là-dedans et de traumatiser toutes ces femmes. Donc, bon… un peu moins de tout ça, ça aurait été bien.

Angela Misri 5:12 Steen n’est pas mariée et n’a pas l’intention de se marier, mais elle s’est toujours engagée dans la lutte pour la visibilité.

Steen Starr 5:19 Je pense que j’étais très heureuse, et peut-être même inspirée, par le fait d’être un peu en marge, même si je me battais pour la visibilité, pour les droits et pour être traitée avec dignité. J’aimais remettre les choses en question, par exemple. Donc je n’étais pas intéressée par, tu vois, devenir un couple officiel, reconnu par l’État, et faire reconnaître mon mariage ou ma relation. Pour moi, il existe une autre manière de vivre ses relations avec les autres. Il peut exister d’autres façons de créer des liens avec les enfants, ou aux autres personnes importantes dans nos vies. Une amoureuse n’est pas forcément tout, la personne centrale autour de laquelle tout repose dans notre existence.

Angela Misri 5:56 Et, dans les 25 années qui ont suivi l’adoption de la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, Steen dit qu’elle croise de plus en plus souvent des couples mariés de même sexe, et, quelles que soient vos opinions sur le mariage, ce n’est certainement pas une mauvaise chose.

Steen Starr 6:08 Il y a une sécurité, un confort, une liberté, évidemment, de pouvoir être soi-même au grand jour sans s’inquiéter. Il n’y a pas si longtemps, tu sais, que quelqu’un pouvait me lancer un œuf, ou me criait dessus, ou même faire preuve de violence, ce qui arrive encore, bien sûr, mais j’en ressens clairement moins la menace aujourd’hui. Rien n’est jamais parfait, mais nous avons certainement ici une grande liberté, que des gens dans d’autres régions du monde n’ont pas.

Angela Misri 6:36 L’histoire de Steen montre ce que signifie vivre ouvertement, revendiquer sa visibilité et se battre pour être reconnue. Mais ces libertés ont été durement acquises, après des années de mobilisation et de changements juridiques. La Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations n’est pas sortie de nulle part. Elle a fait suite à une décision phare de la Cour suprême, connue sous le nom de M c. H., dans laquelle deux femmes de Toronto ont contesté avec succès la définition du terme « conjoint » dans la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario. La Cour a statué qu’exclure les couples de même sexe des droits et responsabilités des unions de fait était inconstitutionnel. Pour nous aider à comprendre les débats que cela a suscités et les droits qui ont été obtenus, nous avons discuté avec l’ancienne députée Libby Davies, membre de l’Ordre du Canada et militante de longue date pour les droits LGBTQ2S+ et la justice sociale. Bonjour, Libby. Ravie de vous rencontrer. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et de la façon dont vous vous êtes d’abord engagée en politique et dans le militantisme ?

Libby Davies 7:39 Oui. D’abord, merci beaucoup de m’avoir invitée à votre balado. Je suis ravie d’être ici. Je m’appelle Libby Davies et je vis à Vancouver, sur le territoire non cédé des peuples Musqueam, Tsleil-Waututh et Salish de la Côte. Je suis militante depuis plus de cinquante ans. J’ai commencé comme jeune organisatrice communautaire, à 19 ans, dans le Downtown Eastside de Vancouver, à l’époque, on appelait encore ça Skid Road, et nous menions littéralement un bras de fer avec la mairie pour obtenir de meilleurs logements, un centre communautaire, une bibliothèque, des parcs, et pour lutter contre les propriétaires véreux. C’étaient des enjeux de vie ou de mort et il semble que ma trajectoire m’ait toujours menée vers des enjeux de vie ou de mort. Puis, je suis devenue conseillère municipale. À un moment, on s’est dit « Si ces gens à l’hôtel de ville nous ignorent et ne nous représentent pas, peut-être que c’est nous qui devrions nous présenter. » Alors on l’a fait. Et finalement, on a été élus. J’ai donc été conseillère municipale pendant cinq mandats, puis plus tard, je suis devenue députée fédérale pour Vancouver-Est, qui comprend le Downtown Eastside et l’est de Vancouver. C’est une communauté incroyablement militante, dynamique, et j’ai été très honorée de représenter cette circonscription à Ottawa pendant 18 ans, jusqu’en 2015, lorsque j’ai décidé de ne pas me représenter. Ma motivation a toujours été de défendre les droits des gens, l’égalité et la justice, la justice sociale. Et j’ai toujours semblé être le genre d’élue qui travaille sur quelque chose avant que ça devienne courant. Beaucoup des enjeux sur lesquels j’ai milité, les personnes sans logement, les personnes qui consomment des drogues, les droits des travailleuses du sexe, étaient des sujets dont personne ne voulait parler. Personne ne voulait les soulever à Ottawa, et aucun ministre ne voulait en entendre parler. Donc c’était un combat, même parfois au sein de mon propre parti, pour faire inscrire ces enjeux à la liste de préoccupations politiques. Mais aujourd’hui, ils sont beaucoup plus reconnus. Quand j’ai été élue, les personnes qui consommaient des drogues et mouraient de surdoses étaient simplement considérées comme des criminels. On les emprisonnait, on les traitait de façon épouvantable, comme si elles n’étaient pas humaines. Elles étaient vilipendées et diabolisées. Changer ce récit, changer l’attitude dans le discours public, puis changer les politiques, ça prend des années, mais au final, nous avons obtenu l’ouverture d’un site d’injection supervisée, une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et beaucoup d’autres avancées. J’ai aussi toujours travaillé pour les droits queer, et je suis moi-même « sortie du placard » au Parlement en 2001, j’imagine que j’ai été la première députée ouvertement lesbienne. Je n’aime pas trop les étiquettes, pour être honnête, mais voilà, j’en porte une comme tout le monde depuis 2001. Et ça a été une expérience intéressante, juste après l’adoption de la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations. Donc environ un an plus tard.

Angela Misri 10:29 Vous avez été élue députée fédérale pour la première fois en 1997, quelques années seulement avant l’adoption de la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations. Quelle était alors l’atmosphère, au Parlement comme dans le reste du pays, autour des droits des personnes queer ?

Libby Davies 10:42 C’est vraiment intéressant de revenir en arrière, parce que, justement, aujourd’hui est mon dernier jour de la tournée Journée Rose . Nous avons parcouru différentes communautés en Colombie-Britannique, en Alberta et au Manitoba, pour parler à des élèves du secondaire et leur raconter cette histoire des droits queer, en particulier autour du projet de loi sur la modernisation. Et c’est fascinant, parce qu’aujourd’hui, on se dit un peu « Oh oui, bien sûr que des personnes dans des relations de même sexe devraient avoir les mêmes avantages que les couples hétéros non mariés. Bien sûr que oui. » Et évidemment, on devrait pouvoir épouser la personne qu’on aime, quel que soit son genre, son sexe ou son orientation. Bref, ces choses nous semblent normalisées, comme elles devraient l’être. Mais revenir en arrière et observer comment c’était il y a 25 ans… Et c’est ce que j’ai fait. Je suis retournée lire le Hansard , le compte rendu officiel du Parlement, parce que j’avais participé au débat et je ne me souvenais plus très bien de tout, ça remonte à 25 ans quand même. J’ai relu certains Hansard, relu mes propres discours et ceux des autres. Et je me suis dit Wow. C’était vraiment mauvais. Les discours, les stéréotypes… Et chez les conservateurs, et je dois dire que certains députés libéraux aussi, qui s’opposaient au projet de loi sur la modernisation des avantages, avant même le débat sur le mariage pour les couples de même sexe. Ils étaient vraiment odieux. Il y avait toute cette rhétorique du « vous menacez la famille », « vous mettez le mariage en danger ». C’était très négatif. Très personnel. Et ça a été encore pire pendant le débat sur le mariage homosexuel, cinq ans plus tard, en 2005. On pourrait s’attendre à ce que des députés soient respectueux, qu’ils représentent leur communauté, l’intérêt public. Mais ce débat était d’une agressivité incroyable, et je crois que ça reflétait la peur, les divisions, la sensation de menace que certains ressentaient. Et je suis assez généreuse en disant ça, que leur réaction venait de la peur. La manière dont certaines personnes attaquaient les autres à cause de cette peur… Et je pense que cela existe encore aujourd’hui. C’est parfois plus subtil, mais on voit encore émerger de nouveaux conflits, et on pourra peut-être en parler. Mais à l’époque, relire ces débats de la Chambre des communes… c’était assez consternant. Je ne pense pas que ce serait possible aujourd’hui. Les choses ont changé. Les attitudes ont évolué. Je ne crois pas qu’on verrait des élus tenir les mêmes propos, avec un ton aussi personnel. Ce serait sans doute plus subtil, mais l’homophobie et la transphobie sont toujours là, cette peur de l’autre. Donc oui, c’était très intéressant de replonger dans cette période, puis maintenant d’aller dans des écoles partout au pays pour parler à des jeunes qui n’ont jamais connu tout ça, et d’entendre ce qu’ils en pensent aujourd’hui.

Angela Misri 13:30 Lorsque la loi a été présentée, quels types de discussions ou de débats avaient lieu entre les députés ?

Libby Davies 13:35 Qu’elle allait détruire le mariage, l’institution du mariage. Qu’elle allait détruire nos valeurs familiales. Et bien sûr, les faits montrent exactement l’inverse. Rien de tout cela ne s’est produit. En réalité, ce qui s’est passé, c’est que nos relations, nos familles, sont plus fortes, parce que nous sommes désormais reconnus, que vous soyez un couple hétérosexuel, un couple de même sexe ou une personne trans. Je pense que cette question-là est un peu différente, d’ailleurs. J’ai l’impression que la transphobie est de nouveau en hausse aujourd’hui, et qu’on assiste à un retour de bâton. C’est très virulent et vraiment inquiétant. On le voit clairement aux États-Unis, mais ça commence aussi à s’infiltrer au Canada, et nous l’avons bien entendu lorsque nous étions en Alberta. Les lois adoptées en Alberta, sous Danielle Smith, sont assez effrayantes. Donc il y a encore beaucoup de combats devant nous. Mais je pense que, globalement, dans le grand public, il y a beaucoup plus d’acceptation et d’ouverture.

Angela Misri 14:33 Cette loi a modifié des dizaines de textes législatifs fédéraux. Pouvez-vous nous expliquer concrètement ce que cela signifiait en pratique, quels types de changements cela a apportés pour les couples de même sexe et les conjoints de fait ?

Libby Davies 14:43 Eh bien, c’était ce qu’on appelle un projet de loi omnibus, c’est-à-dire un projet de loi qui modifie de nombreuses autres lois. Et ce n’est pas si courant au Parlement, parce qu’en général, ce sont d’énormes projets de loi. Celui-ci avait une portée très vaste. Il a modifié, je dirais, des dizaines et des dizaines, peut-être même près d’une centaine d’autres lois, touchant par exemple les prestations de santé, les pensions, les prestations pour veuf ou veuve, la fiscalité, et toutes sortes d’autres domaines. Donc il a eu toutes sortes de conséquences sur un large éventail de lois fédérales liées aux prestations relevant de la compétence du gouvernement fédéral. De ce point de vue, c’était un projet de loi d’une portée incroyable. Et ce qui est vraiment intéressant, c’est que, aujourd’hui, personne ne s’en souvient. Ça fait 25 ans, et partout où nous allons, on demande « Est-ce que quelqu’un se souvient de ce projet de loi ? » et non, personne ne s’en souvient. Pourtant, il a eu un impact énorme dans tout le champ des lois fédérales. C’était en réalité un projet de loi très complexe. Je me souviens qu’à l’époque, l’un des arguments avancés par les conservateurs, et par certains libéraux, était « Oh, ce projet de loi est trop volumineux, trop compliqué. On n’arrive pas à le comprendre. » Mais tout cela n’était qu’un écran de fumée. La véritable opposition venait de la menace qu’ils percevaient à leur vision de la société canadienne. Ils s’opposaient à la diversité, à l’inclusion, à l’égalité. Pour moi, c’est très simple, c’est noir ou blanc. Soit nous avons l’égalité, soit nous ne l’avons pas. Pour moi, c’est une question juridique. Une question de droits de la personne.

Angela Misri 16:23 Pensez-vous que la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations a contribué à préparer le terrain pour de futures lois sur l’égalité ?

Libby Davies 16:30 Elle a certainement établi un précédent. Mais je ne sais pas s’il existe un autre projet de loi qui, à lui seul, ait eu un impact aussi vaste sur autant de domaines relevant de la compétence fédérale. Après le projet de loi sur le mariage égalitaire, il y en a eu un autre, d’ailleurs. C’était assez intéressant, quand les couples de même sexe ont commencé à se marier, eh bien, comme dans les mariages hétérosexuels, certains ont commencé à divorcer. Et il a fallu adopter un autre projet de loi, parce qu’il y avait une sorte de bogue, un vide juridique, dans la loi sur le mariage pour les couples de même sexe : on ne pouvait pas divorcer. C’était un peu drôle. Je me souviens d’avoir participé à ce débat et de m’être dit Oh mon Dieu, c’est tellement étrange. Le mariage égalitaire, et maintenant on dit « oui, vous pouvez aussi divorcer », mais c’est ça, l’application égale de la loi. C’est le fondement de tout ce débat.

Angela Misri 17:16 Vous venez de terminer une tournée durant laquelle vous avez parlé aux élèves de l’histoire de ce projet de loi. Qu’entendez-vous de leur part au sujet du chemin parcouru, et des défis qui demeurent aujourd’hui pour les communautés queer et trans ?

Libby Davies 17:26 Eh bien, nous avons entendu des témoignages d’élèves très jeunes, et certains récits étaient vraiment bouleversants, il est encore très difficile d’annoncer son homosexualité, surtout dans les petites communautés. Les élèves nous ont aussi raconté qu’ils vivaient des situations où ils ne se sentaient pas en sécurité à l’école. Ils se font intimider dans les couloirs, frapper, maltraiter. Ils ne se sentent pas en sécurité chez eux non plus, donc parfois l’école est l’endroit le plus sûr, mais si l’environnement y est lui-même hostile, s’ils y subissent aussi des violences de la part d’autres élèves, alors ils ne se sentent même pas en sécurité pour parler à quelqu’un. Et ça, c’est très lourd à porter pour un jeune. C’est vraiment effrayant. Je pense qu’en ce moment, il y a beaucoup de tensions, et l’un des messages que nous avons répétés aux élèves chaque jour, c’est que si nous ne défendons pas nos droits de la personne, si nous ne restons pas vigilants, ils finissent par s’effriter. On ne peut pas les tenir pour acquis, que ce soit dans la communauté queer, dans la lutte pour les droits des peuples autochtones face à la colonisation, quoi que ce soit, si l’on n’est pas vigilant, ça commence à s’éroder. C’était un message très fort et très important, et j’espère que nous avons réussi à le faire passer. Parce que nous voyons bien qu’une seconde vague est en train d’arriver, alimentée par ce qui se passe aux États-Unis. Nous avons même entendu des témoignages de personnes trans aux États-Unis qui espèrent venir au Canada, et qui trouvent aujourd’hui beaucoup plus difficile qu’avant d’obtenir un visa ou d’entrer au pays. Et ça, c’est notre système d’immigration fédéral, n’est-ce pas ? Tout le monde pense que tout va bien à Ottawa, mais ce n’est pas le cas. La bureaucratie et les procédures rendent les choses extrêmement difficiles pour les personnes qui tentent de faire valoir leurs droits.

Angela Misri 19:12 Avec 25 ans de recul, qu’est-ce qui vous marque le plus à propos de ce moment de l’histoire canadienne ? Quel message espérez-vous que les jeunes retiennent du combat pour l’égalité auquel vous avez contribué ?

Libby Davies 19:24 Oui. Eh bien, je vais vous donner un autre petit exemple, quelque chose de formidable qui s’est passé hier. Pour commencer, pour moi, il ne s’agit pas d’espoir. J’en ai assez de l’espoir. Je ne sais même plus ce que ce mot signifie pour moi. Ce qui m’importe, c’est la motivation. C’est, trouvons ce qui motive les gens, et organisons-nous, mobilisons-nous, créons des liens. Le message le plus important que nous avons transmis aux élèves, et à toute personne que nous avons rencontrée, c’est que nous ne pouvons pas nous permettre d’être isolés et déconnectés. On vit dans un monde plein de conflits. Un monde qui paraît terrifiant pour tellement de gens. Je comprends ça. Moi-même, j’ai du mal à supporter de lire les nouvelles chaque jour. Ce qui se passe à Gaza… Je suis une fervente défenseure de la Palestine depuis des décennies. C’est affreux. Mais si nous nous replions sur nous-mêmes, si nous ne nous levons pas, si nous ne prenons pas la parole, si nous ne dénonçons pas l’injustice où qu’elle soit, alors nous perdons du terrain. Nous devons rester connectés, parce que c’est seulement ensemble que nous pouvons ressentir ce pouvoir collectif, la force de nos voix. Pour moi, être en tournée, parler partout au pays, ça me l’a rappelé. Le simple fait d’être là, de parler, ça m’a rendue plus forte. Je me sens plus forte maintenant. Et j’espère que les élèves, et le public, parce qu’on a aussi organisé plusieurs événements communautaires, sont repartis en se disant « D’accord, on peut assumer ces enjeux. » Hier, nous avons eu un intervenant exceptionnel : un ancien officier de la GRC. Il a demandé aux élèves « Qui a entendu parler de la purge ? » Personne. Et pourtant, ça a été la plus longue chasse aux sorcières au Canada. Pendant des décennies après le maccarthysme, on a éliminé les homosexuels du service extérieur, de la fonction publique, de l’armée, et de la GRC. Les gens étaient renvoyés. Cet homme avait dû démissionner parce qu’il était homosexuel, parce qu’on l’avait aperçu dans un bar gai. Et l’excuse officielle du gouvernement fédéral pour cette purge… elle date d’il y a seulement deux ans. C’est quelque chose de très récent que beaucoup ignorent encore. Vous en entendrez davantage, mais c’est exactement pour ça que nous organisons ce genre d’événements, pour parler de l’histoire queer, pour que les gens comprennent que ce que nous avons aujourd’hui existe grâce aux luttes d’hier. Des personnes se sont littéralement battues bec et ongles pour changer la loi, pour changer les mentalités, pour faire valoir leurs droits. Et c’est ça que je retiens de tout ça. C’est pour ça qu’on le fait, pour ne rien tenir pour acquis, pour poursuivre ce combat afin que ces droits soient protégés, maintenus, renforcés. C’est sain pour une société que chacun puisse être ce qu’il veut être. On ne devrait pas vivre dans un pays où l’on se sent exclu, discriminé ou détesté simplement à cause de qui l’on est. C’est quelque chose de terrible, vraiment terrible, et nous devons continuer à travailler pour que personne ne ressente cela.

Angela Misri 22:22 Merci beaucoup d’avoir été avec nous, Libby, et merci à vous d’avoir écouté Voyages dans l’histoire canadienne. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est produit par The Walrus Lab. Cet épisode a été réalisé par Jasmine Rach et monté par Nathara Imenes. Amanda Cupido en est la productrice exécutive. Pour découvrir d’autres histoires sur les moments marquants de l’histoire canadienne, ainsi que les transcriptions anglaise et française de cet épisode, rendez-vous sur thewalrus.ca/canadianheritage. Il existe aussi une version française de ce balado, appelée Voyages dans l’histoire canadienne. Donc si vous êtes bilingue et souhaitez en écouter davantage, vous pouvez la trouver partout où vous écoutez vos balados.

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